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-le- petit prince از سری داستانهای فرانسوی -

shant

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Ce fut là son premier mouvement de regret. Mais il
reprit courage :
— Que me conseillez-vous d'aller visiter ? demandat-
il.
— La planète Terre, lui répondit le géographe. Elle
a une bonne réputation...
Et le petit prince s'en fut, songeant à sa fleur.
XVI
L A. septième planète fut donc la Terre.
La Terre n'est pas une planète quelconque ! On
y compte cent onze rois (en n'oubliant pas, bien sûr, les
rois nègres), sept mille géographes, neuf cent mille businessmen,
sept millions et demi d'ivrognes, trois cent
onze millions de vaniteux, c'est-à-dire environ deux
milliards de grandes personnes.
Pour vous donner une idée des dimensions de la
Terre je vous dirai qu'avant l'invention de l'électricité
on y devait entretenir, sur l'ensemble des six continents,
une véritable armée de quatre cent soixante-deux mille
cinq cent onze allumeurs de réverbères.
Vu d'un peu loin ça faisait un effet splendide. Les
mouvements de cette armée étaient réglés comme ceux
d'un ballet d'opéra. D'abord venait le tour des allumeurs
de réverbères de Nouvelle-Zélande et d'Australie. Puis
ceux-ci, ayant allumé leurs lampions, s'en allaient dormir.
Alors entraient à leur tour dans la danse les allumeurs de
réverbères de Chine et de Sibérie. Puis eux aussi s'escamotaient
dans les coulisses. Alors venait le tour des
allumeurs de réverbères de Russie et des Indes. Puis de
ceux d'Afrique et d'Europe. Puis de ceux d'Amérique
du Sud. Puis de ceux d'Amérique du Nord. Et jamais
ils ne se trompaient dans leur ordre d'entrée en scène.
C'était grandiose.
Seuls, l'allumeur de l'unique réverbère du pôle Nord,
et son confrère de l'unique réverbère du pôle Sud,
menaient des vies d'oisiveté et de nonchalance : ils travaillaient
deux fois par an.
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XVII

QUAND on veut faire de l'esprit, il arrive que l'on mente
un peu. Je n'ai pas été très honnête en vous parlant
des allumeurs de réverbères. Je risque de donner une
fausse idée de notre planète à ceux qui ne la connaissent
pas. Les hommes occupent très peu de place sur la terre.
Si les deux milliards d'habitants qui peuplent la terre
se tenaient debout et un peu serrés, comme pour un
meeting, ils logeraient aisément sur une place publique
de vingt milles de long sur vingt milles de large. On
pourrait entasser l'humanité sur le moindre petit îlot du
Pacifique.
Les grandes personnes, bien sûr, ne vous croiront pas.
Elles s'imaginent tenir beaucoup de place. Elles se voient
importantes comme des baobabs. Vous leur conseillerez
donc de faire le calcul. Elles adorent les chiffres : ça leur
plaira. Mais ne perdez pas votre temps à ce pensum.
C'est inutile. Vous avez confiance en moi.
Le petit prince, une fois sur terre, fut donc bien surpris
de ne voir personne. Il avait déjà peur de s'être
trompé de planète, quand un anneau couleur de lune
remua dans le sable.
— Bonne nuit, fit le petit prince à tout hasard.
— Bonne nuit, fit le serpent.
— Sur quelle planète suis-je tombé ? demanda le
petit prince.
— Sur la Terre, en Afrique, répondit le serpent.
— Ah !... Il n'y a donc personne sur la Terre ?
— Ici c'est le désert. Il n'y a personne dans les déserts.
La Terre est grande, dit le serpent.
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Le petit prince s'assit sur une pierre et leva les yeux
vers le ciel :
— Je me demande, dit-il, si les étoiles sont éclairées
afin que chacun puisse un jour retrouver la sienne.
Regarde ma planète. Elle est juste au-dessus de nous...
Mais comme elle est loin !
— Elle est belle, dit le serpent. Que viens-tu faire
ici?
— J'ai des difficultés avec une fleur, dit le petit
prince.
— Ah ! fit le serpent.
Et ils se turent.
— Où sont les hommes ? reprit enfin le petit prince.
On est un peu seul dans le désert...
— On est seul aussi chez les hommes, dit le serpent.
Le petit prince le regarda longtemps :
— Tu es une drôle de bête, lui dit-il enfin, mince
comme un doigt...
— Mais je suis plus puissant que le doigt d'un roi,
dit le serpent.
Le petit prince eut un sourire :
— Tu n'es pas bien puissant... tu n'as même pas de
pattes... tu ne peux même pas voyager.
— Je puis t'emporter plus loin qu'un navire, dit le
serpent.
Il s'enroula autour de la cheville du petit prince,
comme un bracelet d'or :
— Celui que je touche, je le rends à la terre dont il est
sorti, dit-il encore. Mais tu es pur et tu viens d'une
étoile...
Le petit prince ne répondit rien.
— Tu me fais pitié, toi si faible, sur cette Terre de granit.
Je puis t'aider un jour si tu regrettes trop taplanète. Je puis...
— Oh ! j'ai très bien compris, fit le petit prince, mais
pourquoi parles-tu toujours par énigmes ?
— Je les résous toutes, dit le serpent.
Et ils se turent.
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XVIII

lE petit prince traversa le désert et ne rencontra
qu'une fleur. Une fleur à trois pétales, une fleur de
rien du tout...
— Bonjour, dit le prince.
— Bonjour, dit la fleur.
— Où sont les hommes ? demanda poliment le petit
prince.
La fleur, un jour, avait vu passer une caravane :
— Les hommes ? Il en existe, je crois, six ou sept. Je
les ai aperçus il y a des années. Mais on ne sait jamais
où les trouver. Le vent les promène. Ils manquent de
racines, ça les gêne beaucoup.
— Adieu, fit le petit prince.
— Adieu, dit la fleur.
XIX
LE petit prince fit l'ascension d'une haute montagne.
Les seules montagnes qu'il eût jamais connues
étaient les trois volcans qui lui arrivaient au genou. Et
il se servait du volcan éteint comme d'un tabouret.
« D'une montagne haute comme celle-ci, se dit-il donc,
j'apercevrai d'un coup toute la planète et tous les
hommes... » Mais il n'aperçut rien que des aiguilles de
roc bien aiguisées.
— Bonjour, dit-il à tout hasard.
— Bonjour... bonjour... bonjour... répondit l'écho.
— Qui êtes-vous ? dit le petit prince.
— Qui êtes-vous... qui êtes-vous... qui êtes-vous...
répondit l'écho.
— Soyez mes amis, je
suis seul, dit-il.
— Je suis seul... je suis
seul... je suis seul... répondit
l'écho.
« Quelle drôle de planète ! pensa-t-il alors. Elle est
toute sèche, et toute pointue et toute salée. Et les
hommes manquent d'imagination. Ils répètent ce qu'on
leur dit... Chez moi j'avais une fleur : elle parlait toujours
la première... »
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XX
M AÏS il arriva que le petit prince, ayant longtemps
marché à travers les sables, les rocs et les neiges,
découvrit enfin une route. Et les routes vont toutes chez
les hommes.
— Bonjour, dit-il.
C'était un jardin fleuri de roses.
— Bonjour, dirent les roses.
Le petit prince les regarda. Elles ressemblaient toutes
à sa fleur.
— Qui êtes-vous ? leur demanda-t-il, Stupéfait.
— Nous sommes des roses, dirent les roses.
— Ah ! fit le petit prince...
Et il se sentit très malheureux. Sa fleur lui avait raconté
qu'elle était seule de son espèce dans l'univers. Et voici
qu'il en était cinq mille, toutes semblables, dans un seul
jardin !
« Elle serait bien vexée, se dit-il, si elle voyait ça...
elle tousserait énormément et ferait semblant de mourir
pour échapper au ridicule. Et je serais bien obligé de faire
semblant de la soigner, car, sinon, pour m'humilier moi
aussi, elle se laisserait vraiment mourir... »
Puis il se dit encore : « Je me croyais riche d'une fleur
unique, et je ne possède qu'une rose ordinaire. Ça et mes
trois volcans qui m'arrivent au genou, et dont l'un,
peut-être, est éteint pour toujours, ça ne fait pas de moi
un bien grand prince... » Et, couché dans l'herbe, il
pleura.
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XXI
c'EST alors qu'apparut le renard.
— Bonjour, dit le renard.
— Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se
retourna mais ne vit rien.
— Je suis là, dit la voix, sous le pommier.
— Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli...
— Je suis un renard, dit le renard.
— Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince.
Je suis tellement triste...
— Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne
suis pas apprivoisé.
— Ah ! pardon, fit le petit prince.
Mais, après réflexion, il ajouta :
— Qu'est-ce que signifie « apprivoiser » ?
— Tu n'es pas d'ici, dit le renard, que cherches-tu ?
— Je cherche les hommes, dit le petit prince. Qu'estce
que signifie « apprivoiser » ?
— Les hommes, dit le renard, ils ont des fusils et ils
chassent. C'est bien gênant ! Ils élèvent aussi des poules.
C'est leur seul intérêt. Tu cherches des poules ?
— Non, dit le petit prince. Je cherche des amis.
Qu'est-ce que signifie « apprivoiser » ?
— C'est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça
signifie « créer des liens... »
— Créer des liens ?
— Bien sûr, dit le renard. Tu n'es encore pour moi
qu'un petit garçon tout semblable à cent mille petits
garçons. Et je n'ai pas besoin de toi. Et tu n'as pas
besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu'un
renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m'apprivoises,
nous aurons besoin l'un de l'autre. Tu seras pour
moi unique au monde. Je serai pour toi unique au
monde...
— Je commence à comprendre, dit le petit prince.
Il y a une fleur... je crois qu'elle m'a apprivoisé...
— C'est possible, dit le renard. On voit sur la Terre
toutes sortes de choses...
— Oh ! ce n'est pas sur la Terre, dit le petit prince.
Le renard parut très intrigué :
— Sur une autre planète ?
— Oui.
— Il y a des chasseurs, sur cette planète-là ?
— Non.
— Ça, c'est intéressant ! Et des poules ?
— Non.
— Rien n'est parfait, soupira le renard.
Mais le renard revint à son idée :
— Ma vie est monotone. Je chasse les poules, les
hommes me chassent. Toutes les poules se ressemblent,
et tous les hommes se ressemblent. Je m'ennuie donc
un peu. Mais, si tu m'apprivoises, ma vie sera comme
ensoleillée.
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Je connaîtrai un bruit de pas qui sera différent de tous les autres.
Les autres pas me font rentrer sous terre.
Le tien m'appellera hors du terrier, comme
une musique. Et puis regarde ! Tu vois, là-bas, les
champs de blé ? Je ne mange pas de pain. Le blé pour
moi est inutile. Les champs de blé ne me rappellent rien.
Et ça, c'est triste ! Mais tu as des cheveux couleur d'or.
Alors ce sera merveilleux quand tu m'auras apprivoisé !
Le blé, qui est doré, me fera souvenir de toi. Et j'aimerai
le bruit du vent dans le blé...
Le renard se tut et regarda longtemps le petit
prince :
— S'il te plaît... apprivoise-moi ! dit-il.
— Je veux bien, répondit le petit prince, mais je n'ai
pas beaucoup de temps. J'ai des amis à découvrir et
beaucoup de choses à connaître.
— On ne connaît que les choses que l'on apprivoise,
dit le renard. Les hommes n'ont plus le temps de rien
connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les
marchands. Mais comme il n'existe point de marchands
d'amis, les hommes n'ont plus d'amis. Si tu veux un ami,
apprivoise-moi !
— Que faut-il faire ? dit le petit prince.
— Il faut être très patient, répondit le renard. Tu
t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans
l'herbe. Je te regarderai du coin de l'oeil et tu ne diras
rien. Le langage est source de malentendus. Mais,
chaque jour, tu pourras t'asseoir un peu plus près...
Le lendemain revint le petit prince.
— Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le
renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de
l'après-midi, dès trois heures je commencerai d'être
heureux. Plus l'heure avancera, plus je me sentirai heureux.
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À quatre heures, déjà, je m'agiterai et m'inquiéterai;
je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens
n'importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure
m'habiller le coeur... Il faut des rites.
— Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
— C'est aussi quelque chose de trop oublié, dit le
renard. C'est ce qui fait qu'un jour est différent des autres
jours, une heure, des autres heures. Il y a un rite, par
exemple, chez mes chasseurs. Ils dansent le jeudi avec
les filles du village. Alors le jeudi est jour merveilleux !
Je vais me promener jusqu'à la vigne. Si les chasseurs
dansaient n'importe quand, les jours se ressembleraient
tous, et je n'aurais point de vacances.
Ainsi le petit prince apprivoisa le renard. Et quand
l'heure du départ fut proche :
— Ah ! dit le renard... Je pleurerai.
— C'est ta faute, dit le petit prince, je ne te souhaitais
point de mal, mais tu as voulu que je t'apprivoise...
— Bien sûr, dit le renard.
— Mais tu vas pleurer ! dit le petit prince.
— Bien sûr, dit le renard.
— Alors tu n'y gagnes rien !
— J'y gagne, dit le renard, à cause de la couleur du blé.
Puis il ajouta :
— Va revoir les roses.
Tu comprendras que la tienne est unique au monde.
Tu reviendras me dire adieu, et je te ferai cadeau
d'un secret.
Le petit prince s'en fut revoir les roses.

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— Vous n'êtes pas du tout semblables à ma rose, vous
n'êtes rien encore, leur dit-il. Personne ne vous a apprivoisées
et vous n'avez apprivoisé personne. Vous êtes
comme était mon renard. Ce n'était qu'un renard semblable
à cent mille autres. Mais j'en ai fait mon ami, et il
est maintenant unique au monde.
Et les roses étaient gênées.
— Vous êtes belles, mais vous êtes vides, leur dit-il
encore. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma
rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous
ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que
vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque
c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que
j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai
tué les chenilles (sauf les deux ou trois pour les papillons).
Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se
vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma
rose.
Et il revint vers le renard :
— Adieu, dit-il...
— Adieu, dit le renard. Voici mon secret. Il est très
simple : on ne voit bien qu'avec le coeur. L'essentiel est
invisible pour les yeux.
— L'essentiel est invisible pour les yeux, répéta le
petit prince, afin de se souvenir.
— C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait
ta rose si importante.
— C'est le temps que j'ai perdu pour ma rose... fit
le petit prince, afin de se souvenir.

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— Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard.
Mais tu ne dois pas l'oublier. Tu deviens responsable
pour toujours de ce que tu as apprivoisé. Tu es responsable
de ta rose...
— Je suis responsable de ma rose... répéta le petit
prince, afin de se souvenir.
XXII
BONJOUR, dit le petit prince.
— Bonjour, dit l'aiguilleur.
— Que fais-tu ici ? dit le petit prince.
— Je trie les voyageurs, par paquets de mille, dit
l'aiguilleur. J'expédie les trains qui les emportent, tantôt
vers la droite, tantôt vers la gauche.
Et un rapide illuminé, grondant comme le tonnerre,
fit trembler la cabine d'aiguillage.
— Ils sont bien pressés, dit le petit prince. Que
cherchent-ils ?
— L'homme de la locomotive l'ignore lui-même, dit
l'aiguilleur.
Et gronda, en sens inverse, un second rapide illuminé.
— Ils reviennent déjà ? demanda le petit prince...
— Ce ne sont pas les mêmes, dit l'aiguilleur. C'est un
échange.
— Ils n'étaient pas contents, là où ils étaient ?
— On n'est jamais content là où l'on est, dit l'aiguilleur.

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Et gronda le tonnerre d'un troisième rapide illuminé.
— Ils poursuivent les premiers voyageurs ? demanda
le petit prince.
— Ils ne poursuivent rien du tout, dit l'aiguilleur.
Ils dorment là dedans, ou bien ils bâillent. Les enfants
seuls écrasent leur nez contre les vitres.
— Les enfants seuls savent ce qu'ils cherchent, fit le
petit prince. Ils perdent du temps pour une poupée de
chiffons, et elle devient très importante, et si on la leur
enlève, ils pleurent...
— Ils ont de la chance, dit l'aiguilleur.
XXIII
BiONJOUR, dit le petit prince.
— Bonjour, dit le marchand.
C'était un marchand de pilules perfectionnées quiapaisent la soif. On en avale une par semaine et l'on
n'éprouve plus le besoin de boire.
— Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince.
— C'est une grosse économie de temps, dit le marchand.
Les experts ont fait des calculs. On épargne
cinquante-trois minutes par semaine.
— Et que fait-on de ces cinquante-trois minutes ?
— On en fait ce que l'on veut...
« Moi, se dit le petit prince, si j'avais cinquante-trois
minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers
une fontaine... »
XXIV
Nous en étions au huitième jour de ma panne dans le
désert, et j'avais écouté l'histoire du marchand en
buvant la dernière goutte de ma provision d'eau.
— Ah ! dis-je au petit prince, ils sont bien jolis, tes
souvenirs, mais je n'ai pas encore réparé mon avion, je
n'ai plus rien à boire, et je serais heureux, moi aussi, si
je pouvais marcher tout doucement vers une fontaine !
— Mon ami le renard, me dit-il...
— Mon petit bonhomme, il ne s'agit plus du
renard !
— Pourquoi ?
— Parce qu'on va mourir de soif...
Il ne comprit pas mon raisonnement, il me répondit
:
- C'est bien d'avoir eu un ami, même si l'on va mourir.

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mourir. Moi, je suis bien content d'avoir eu un ami
renard...
« II ne mesure pas le danger, me dis-je. Il n'a jamais ni
faim ni soif. Un peu de soleil lui suffit... »
Mais il me regarda et répondit à ma pensée :
— J'ai soif aussi... cherchons un puits...
J'eus un geste de lassitude : il est absurde de chercher
un puits, au hasard, dans l'immensité du désert. Cependant
nous nous mîmes en marche.
Quand nous eûmes marché, des heures, en silence, la
nuit tomba, et les étoiles commencèrent de s'éclairer. Je
les apercevais comme en rêve, ayant un peu de fièvre, à
cause de ma soif. Les mots du petit prince dansaient dans
ma mémoire.
— Tu as donc soif, toi aussi ? lui demandai-je.
Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit simplement
:
— L'eau peut aussi être bonne pour le coeur...
Je ne compris pas sa réponse mais je me tus... Je
savais bien qu'il ne fallait pas l'interroger.
Il était fatigué. Il s'assit. Je m'assis auprès de lui. Et,
après un silence, il dit encore :
— Les étoiles sont belles, à cause d'une fleur que l'on
ne voit pas...
Je répondis « bien sûr » et je regardai, sans parler, les
plis du sable sous la lune.
— Le désert est beau, ajouta-t-il.
Et c'était vrai. J'ai toujours aimé le désert. On s'assoit
sur une dune de sable. On ne voit rien. On n'entend rien.
Et cependant quelque chose rayonne en silence...
— Ce qui embellit le désert, dit le petit prince, c'est
qu'il cache un puits quelque part...

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Je fus surpris de comprendre soudain ce mystérieux
rayonnement du sable. Lorsque j'étais petit garçon
j'habitais une maison ancienne, et la légende racontait
qu'un trésor y était enfoui. Bien sûr, jamais personne n'a
su le découvrir, ni peut-être même ne l'a cherché. Mais
il enchantait toute cette maison. Ma maison cachait un
secret au fond de son coeur...
— Oui, dis-je au petit prince, qu'il s'agisse de la
maison, des étoiles ou du désert, ce qui fait leur beauté
est invisible !
— Je suis content, dit-il, que tu sois d'accord avec
mon renard.
Comme le petit prince s'endormait, je le pris dans mes
bras, et me remis en route. J'étais ému. Il me semblait
porter un trésor fragile. Il me semblait même qu'il n'y
eût rien de plus fragile sur la Terre. Je regardais, à la
lumière de la lune, ce front pâle, ces yeux clos, ces
mèches de cheveux qui tremblaient au vent, et je me
disais : « Ce que je vois là n'est qu'une écorce. Le plus
important est invisible... »
Comme ses lèvres entr'ouvertes ébauchaient un demisourire
je me dis encore : « Ce qui m'émeut si fort de ce
petit prince endormi, c'est sa fidélité pour une fleur, c'est
l'image d'une rose qui rayonne en lui comme la flamme
d'une lampe, même quand il dort... » Et je le devinai plus
fragile encore. Il faut bien protéger les lampes : un coup
de vent peut les éteindre...
Et, marchant ainsi, je découvris le puits au lever du
jour.

51
...............

 

shant

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XXV

LES hommes, dit le petit prince, ils s'enfournent
dans les rapides, mais ils ne savent plus ce qu'ils
cherchent. Alors il s'agitent et tournent en rond...
Et il ajouta :
— Ce n'est pas la peine...
Le puits que nous avions atteint ne ressemblait pas
aux puits sahariens. Les puits sahariens sont de simples
trous creusés dans le sable. Celui-là ressemblait à un puits
de village. Mais il n'y avait là aucun village, et je croyais
rêver.
— C'est étrange, dis-je au petit prince, tout est prêt :
la poulie, le seau et la corde...
Il rit, toucha la corde, fit jouer la poulie. Et la poulie
gémit comme gémit une vieille girouette quand le vent
a longtemps dormi.
— Tu entends, dit le petit prince, nous réveillons ce
puits et il chante...
Je ne voulais pas qu'il fît un effort :
— Laisse-moi faire, lui dis-je, c'est trop lourd pour
toi.
Lentement je hissai le seau jusqu'à la margelle. Je l'y
installai bien d'aplomb. Dans mes oreilles durait le chant
de la poulie et, dans l'eau qui tremblait encore, je voyais
trembler le soleil.
— J'ai soif de cette eau-là, dit le petit prince, donnemoi
à boire...
Et je compris ce qu'il avait cherché !

52

 

shant

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Je soulevai le seau jusqu'à ses lèvres. Il but, les yeux
fermés. C'était doux comme une fête. Cette eau était
bien autre chose qu'un aliment. Elle était née de la
marche sous les étoiles, du chant de la poulie, de l'effort
de mes bras. Elle était bonne pour le coeur, comme un
cadeau. Lorsque j'étais petit garçon, la lumière de l'arbre
de Noël, la musique de la messe de minuit, la douceur des
sourires faisaient ainsi tout le rayonnement du cadeau de
Noël que je recevais.
— Les hommes de chez toi, dit le petit prince,
cultivent cinq mille roses dans un même jardin... et ils
n'y trouvent pas ce qu'ils cherchent...
— Ils ne le trouvent pas, répondis-je...
— Et cependant ce qu'ils cherchent pourrait être
trouvé dans une seule rose ou un peu d'eau...
— Bien sûr, répondis-je.
Et le petit prince ajouta :
— Mais les yeux sont aveugles. Il faut chercher avec
le coeur.
J'avais bu. Je respirais bien. Le sable, au lever du jour,
est couleur de miel. J'étais heureux aussi de cette couleur
de miel. Pourquoi fallait-il que j'eusse de la peine...
— Il faut que tu tiennes ta promesse, me dit doucement
le petit prince, qui, de nouveau, s'était assis auprès
de moi.
— Quelle promesse ?
— Tu sais... une muselière pour mon mouton... je
suis responsable de cette fleur !
Je sortis de ma poche mes ébauches de dessin. Le
petit prince les aperçut et dit en riant :
— Tes baobabs, ils ressemblent un peu à des choux...
— Oh!

53


 

shant

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Moi qui étais si fier des baobabs !
— Ton renard... ses oreilles... elles ressemblent un
peu à des cornes... et elles sont trop longues !
Et il rit encore.
— Tu es injuste, petit bonhomme, je ne savais rien
dessiner que les boas fermés et les boas ouverts.
— Oh ! ça ira, dit-il, les enfants savent.
Je crayonnai donc une muselière. Et j'eus le coeur
serré en la lui donnant :
— Tu as des projets que j'ignore...
Mais il ne me répondit pas. Il me dit :
— Tu sais, ma chute sur la Terre... c'en sera demain
l'anniversaire...
Puis, après un silence, il dit encore :
— J'étais tombé tout près d'ici...
Et il rougit.
Et de nouveau, sans comprendre pourquoi, j'éprouvai
un chagrin bizarre. Cependant une question me vint :
— Alors ce n'est pas par hasard que, le matin où je
t'ai connu, il y a huit jours, tu te promenais comme ça,
tout seul, à mille milles de toutes les régions habitées ?
Tu retournais vers le point de ta chute ?
Le petit prince rougit encore.
Et j'ajoutai, en hésitant :
— À cause, peut-être, de l'anniversaire ?...
Le petit prince rougit de nouveau. Il ne répondait
jamais aux questions, mais, quand on rougit, ça signifie
« oui », n'est-ce pas ?
— Ah ! lui dis-je, j'ai peur...
Mais il me répondit :
— Tu dois maintenant travailler. Tu dois repartir vers
ta machine. Je t'attends ici. Reviens demain soir...
Mais je n'étais pas rassuré. Je me souvenais du renard.
On risque de pleurer un peu si l'on s'est laissé apprivoiser...

54

 

shant

کاربر ويژه
XXVI

I L y avait, à côté du puits, une ruine de vieux mur de
pierre. Lorsque je revins de mon travail, le lendemain
soir, j'aperçus de loin mon petit prince assis là-haut, les
jambes pendantes. Et je l'entendis qui parlait :
— Tu ne t'en souviens donc pas ? disait-il. Ce n'est
pas tout à fait ici !
Une autre voix lui répondit sans doute, puisqu'il
répliqua :
— Si ! Si ! c'est bien le jour, mais ce n'est pas ici
l'endroit...
Je poursuivis ma marche vers le mur. Je ne voyais ni
n'entendais toujours personne. Pourtant le petit prince
répliqua de nouveau :
— ... Bien sûr. Tu verras où commence ma trace
dans le sable. Tu n'as qu'à m'y attendre. J'y serai cette
nuit.
J'étais à vingt mètres du mur et je ne voyais toujours
rien.
Le petit prince dit encore, après un silence :
— Tu as du bon venin ? Tu es sûr de ne pas me faire
souffrir longtemps ?
Je fis halte, le coeur serré, mais je ne comprenais
toujours pas.


55

 

shant

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— Maintenant, va-t'en, dit-il... je veux redescendre !
Alors j'abaissai moi-même les yeux vers le pied du
mur, et je fis un bond ! Il était là, dressé vers le petit
prince, un de ces serpents jaunes qui vous exécutent en
trente secondes. Tout en fouillant ma poche pour en
tirer mon revolver, je pris le pas de course, mais, au bruit
que je fis, le serpent se laissa doucement couler dans le
sable, comme un jet d'eau qui meurt, et, sans trop se
presser, se faufila entre les pierres avec un léger bruit
de métal.
Je parvins au mur juste à temps pour y recevoir dans
les bras mon petit bonhomme de prince, pâle comme la
neige.
— Quelle est cette histoire-là ! Tu parles maintenant
avec les serpents !
J'avais défait son éternel cache-nez d'or. Je lui avais
mouillé les tempes et l'avais fait boire. Et maintenant je
n'osais plus rien lui demander. Il me regarda gravement
et m'entoura le cou de ses bras. Je sentais battre son
coeur comme celui d'un oiseau qui meurt, quand on l'a
tiré à la carabine. Il me dit :
— Je suis content que tu aies trouvé ce qui manquait
à ta machine. Tu vas pouvoir rentrer chez toi...
— Comment sais-tu ?
Je venais justement lui annoncer que, contre toute
espérance, j'avais réussi mon travail !
Il ne répondit rien à ma question, mais il ajouta :
— Moi aussi, aujourd'hui, je rentre chez moi...
Puis, mélancolique :
— C'est bien plus loin... c'est bien plus difficile...
Je sentais bien qu'il se passait quelque chose d'extraordinaire.
Je le serrais dans les bras comme un petitenfant,
et cependant il me semblait qu'il coulait verticalement
dans un abîme sans que je pusse rien pour le
retenir...
Il avait le regard sérieux, perdu très loin.



56

 

shant

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— J'ai ton mouton. Et j'ai la caisse pour le mouton.
Et j'ai la muselière...
Et il sourit avec mélancolie.
J'attendis longtemps. Je sentais qu'il se réchauffait
peu à peu :
-— Petit bonhomme, tu as eu peur...
Il avait eu peur, bien sûr ! Mais il rit doucement :
— J'aurai bien plus peur ce soir...
De nouveau je me sentis glacé par le sentiment de
l'irréparable. Et je compris que je ne supportais pas
l'idée de ne plus jamais entendre ce rire. C'était pour moi
comme une fontaine dans le désert.
— Petit bonhomme, je veux encore t'entendre rire...
Mais il me dit :
— Cette nuit, ça fera un an. Mon étoile se trouvera
juste au-dessus de l'endroit où je suis tombé l'année
dernière...
— Petit bonhomme, n'est-ce pas que c'est un mauvais
rêve cette histoire de serpent et de rendez-vous et
d'étoile...
Mais il ne répondit pas à ma question. Il me dit :
— Ce qui est important, ça ne se voit pas...
— Bien sûr...
— C'esit comme pour la fleur. Si tu aimes une fleur
qui se trouve dans une étoile, c'esit doux, la nuit, de
regarder le ciel. Toutes les étoiles sont fleuries.
— Bien sûr...
- C'esit comme pour l'eau. Celle que tu m'as donnée à boire était comme une musique,
à cause de la poulie et
de la corde... tu te rappelles... elle était bonne.
— Bien sûr...
— Tu regarderas, la nuit, les étoiles. C'est trop petit
chez moi pour que je te montre où se trouve la mienne.
C'est mieux comme ça. Mon étoile, ça sera pour toi une
des étoiles. Alors, toutes les étoiles, tu aimeras les
regarder... Elles seront toutes tes amies. Et puis je vais
te faire un cadeau...
Il rit encore.
— Ah ! petit bonhomme, petit bonhomme, j'aime
entendre ce rire !
— Justement ce sera mon cadeau... ce sera comme
pour l'eau...

57

 

shant

کاربر ويژه
— Que veux-tu dire ?
— Les gens ont des étoiles qui ne sont pas les mêmes.
Pour les uns, qui voyagent, les étoiles sont des guides.
Pour d'autres elles ne sont rien que de petites lumières.
Pour d'autres, qui sont savants, elles sont des problèmes.
Pour mon businessman elles étaient de l'or. Mais toutes
ces étoiles-là se taisent. Toi, tu auras des étoiles comme
personne n'en a...
— Que veux-tu dire ?
— Quand tu regarderas le ciel, la nuit, puisque
j'habiterai dans l'une d'elles, puisque je rirai dans l'une
d'elles, alors ce sera pour toi comme si riaient toutes les
étoiles. Tu auras, toi, des étoiles qui savent rire !
Et il rit encore.
— Et quand tu seras consolé (on se console toujours)
tu seras content de m'avoir connu. Tu seras toujours
mon ami. Tu auras envie de rire avec moi. Et tu ouvriras
parfois ta fenêtre, comme ça, pour le plaisir...
Et tes amis seront bien étonnés de te voir rire en regardant le ciel.
Alors tu leur diras : « Oui, les étoiles, ça me fait toujours
rire ! » Et ils te croiront fou. Je t'aurai joué un bien
vilain tour...
Et il rit encore.
— Ce sera comme si je t'avais donné, au lieu d'étoiles,
des tas de petits grelots qui savent rire...
Et il rit encore. Puis il redevint sérieux :
— Cette nuit... tu sais... ne viens pas.
— Je ne te quitterai pas.
— J'aurai l'air d'avoir mal... j'aurai un peu l'air de
mourir. C'est comme ça. Ne viens pas voir ça, ce n'est
pas la peine.
— Je ne te quitterai pas.
Mais il était soucieux.
— Je te dis ça... c'est à cause aussi du serpent. Il ne
faut pas qu'il te morde... Les serpents, c'est méchant. Ça
peut mordre pour le plaisir...
— Je ne te quitterai pas.
Mais quelque chose le rassura :
— C'est vrai qu'ils n'ont plus de venin pour la seconde
morsure...
Cette nuit-là je ne le vis pas se mettre en route.
Il s'était évadé sans bruit. Quand je réussis à le
rejoindre il marchait décidé, d'un pas rapide. Il me dit
seulement :



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